Le poète qu’était Pierre Reverdy assurait en son temps qu’il n’y avait pas d’amour mais seulement des preuves d’amour. Une façon élégante de signifier que si certains beaux parleurs déclament les vers les plus enflammés ou usent des mots les plus sucrés, leur sincérité sera mise à nue au moment de traduire cette prose en actes concrets.
Au cœur de la période de confinement que nous avons connus au printemps, il faut bien admettre que le gouvernement a usé de tous les artifices pour séduire le transport léger de marchandises. Une façon d’encourager les professionnels à faire preuve d’abnégation et de combativité pour que les français puissent trouver dans leur supermarché de quoi se nourrir et être livré en divertissements variés.
Les professionnels de la livraison ayant rempli leur mission, les pouvoirs publics ont repris leurs bonnes habitudes en cessant tout à coup de les considérer pour se tourner, les yeux énamourés, vers des plateformes employant de serviles, car dépendants, autoentrepreneurs. Loin des yeux loin du cœur, les entreprises du transport léger de marchandises comptant 95% de CDI dans leurs sociétés et payant vaille que vaille cotisations salariales et patronales étaient redevenus invisibles.
Il faut dire que le combat est inégal. Comment une entreprise « lambda » de notre secteur d’activité peut-elle lutter contre ce qui doit sûrement être la Vénus du transport qu’est Stuart ? Plateforme au modèle ubérisé, bariolée de couleurs affriolantes et répondant à la voix de son maître dès que les mots « start-up nation » sont sifflés, cette entité du groupe la Poste fait valoir des arguments de poids. Et c’est ainsi que l’argent public finança cette Gorgone et la concurrence déloyale qu’elle oppose maintenant à tous les acteurs du léger en France.
Timide, la mariée n’osa pas tout de suite reconnaître l’étendue de ses activités mais, face aux encouragements de son étatique amant, elle s’est enhardie et, jusque devant le juge du tribunal de commerce devant lequel nous l’avions trainée, dévoila sans vergogne l’étendue de sa dot.
Conformément à ce que nous avions prédit, les enfants terribles de cette union parcourent aujourd’hui 78 villes dans 3 pays différents à bord de tous les véhicules imaginables. Du vélo au 20m3, de l’utilitaire en passant par la berline tous les moyens sont bons pour livrer sans se soucier du droit. Tentaculaire, cette Méduse s’introduit dans tous les marchés, mettant en péril un secteur d’activité déjà fragile.
Le procès qui nous oppose à Stuart depuis 2017 n’est pas terminé et nous nous retrouverons en appel l’année prochaine (…) pour faire valoir nos droits et ceux de tous les professionnels du transport léger de marchandises qui respectent scrupuleusement les lois et réglementations en vigueur.
En attendant, une chose est sure, entre nous et le gouvernement il n’y a plus d’amour.
Hervé Street, Président du Sntl