Prenez deux individus sans que rien de l’extérieur ne puisse les distinguer et tentez de deviner lequel est un professionnel et lequel est un politicien. Si la biologie les a faits si semblables, le verbe se charge de les différencier.
Ce dernier fourmille de points de vue. Il peut, en un très court laps de temps, se prendre d’envies soudaines et originales. Par le verbe, qu’il a haut, il va convaincre du bienfait de sa « révolution » et en déléguer l’application à des tiers qui se trouveront alors forts dépourvus quand le temps du concret sera venu.
Le professionnel, non moins doté d’idées, va devoir néanmoins, pour les appliquer se retrousser les manches et œuvrer, en personne, à la réalisation de la vision qu’il a pour son entreprise. Son verbe exhale le concret et vise moins les journalistes que ses clients, ses équipes, son banquier.
Aujourd’hui, le politique et le professionnel du transport léger peinent à se comprendre. Le premier cité, rêve d’une ville où les marchandises nécessaires à son quotidien se transporteraient exclusivement à vélo sur lesquels pédaleraient de jeunes autoentrepreneurs, heureux et silencieux face à leur situation précaire. Cette nuée de tacherons seraient, selon lui, la vitrine de la ville du futur, « green » et débarrassée de camionnettes honteusement renvoyées dans le 20ème siècle auquel elles appartiennent.
Le professionnel, pardonnez-lui, se demande comment 1 milliard de colis en 2020 pourront être livrés par la seule force des jambes de ces « runners » déjà désabusés face à l’Eldorado vite décrépi de ces plateformes issues de l’économie collaborative.
Le transport léger est le dernier maillon de la chaîne logistique, mais il ne doit pas pour autant en devenir le parent pauvre et sacrifiable. Améliorer la qualité de l’air des grandes villes ? Oui, c’est une évidence et un devoir ! Et chaque chef d’entreprise évalue déjà les possibilités qui s’offrent à lui pour faire évoluer sa flotte vers des véhicules propres. Et ce, malgré le manque de choix dans les catalogues des constructeurs, malgré le manque d’infrastructures d’avitaillement et malgré le surcoût. Notons qu’aujourd’hui déjà, plus des deux tiers des véhicules des professionnels du transport léger sont de classe Euro 5 et 6, nous sommes donc loin de l’armada d’épaves bruyantes et polluantes.
Diminuer l’engorgement des grands centres urbains ? Nous n’avons attendu personne pour travailler à l’optimisation de nos tournées et au remplissage de nos véhicules pour en limiter le nombre dans les rues.
Ce n’est pas en tuant les professionnels du transport léger que les pouvoirs publics résoudront les problèmes de leurs agglomérations. S’ils comprenaient nos exigences opérationnelles et qu’ils s’appuyaient sur des professionnels expérimentés, compétents et reconnus alors nous pourrions ensemble inventer la ville de demain. Le Sntl met à leur disposition un outil pour faire le tri entre le bon grain et l’ivraie, le Label du transport léger et responsable. Ce Label distingue des sociétés qui ne respectent rien de moins que la loi et les réglementations en vigueur. La qualité n’est pas un Graal à trouver dès lors que l’on sait vers qui se tourner.
J’encourage le politicien à accentuer le dialogue avec le professionnel, chacun s’en trouvera gagnant. Mais pour ce faire, il faut que le verbe de l’un puisse trouver écho dans l’oreille de l’autre.
Hervé Street, président du Sntl