L’édito du président : They work hard for the money so… ?

She works hard for the money so you better treat her right”. Amis attachés à la francophonie je traduis pour vous « Elle travaille dur pour l’argentalors tu ferais mieux de bien la traiter »
Titre éponyme et premières paroles de la chanson de Donna Summer, ces mots résonnent étrangement à mes oreilles alors qu’Uber vient de faire son entrée en Bourse. Annoncée à Wall Street comme un tsunami, cette arrivée dans la cours des grands du capitalisme n’aura été qu’une maigre vaguelette qui ne menace plus d’engloutir qui que ce soit à l’exception peut-être de ses auteurs. « Uber s’effondre après avoir enregistré la plus grosse perte de l’histoire des États-Unis suite à une entrée en Bourse » ai-je pu lire. Ha ! Quelle douce mélodie à mes oreilles. Plus douce encore que la puissante voix de miel de cette reine du disco. « I feel love » pour continuer à paraphraser les titres de ses chansons. 

Chers Confrères, ne voyez dans mon plaisir aucune malice (quoique…), mais rappelez-vous. Le Sntl dénonce depuis des années le système fou de cette économie ubérisée qui brûle du cash à tour de bras afin de se gonfler de résultats financiers parfaitement artificiels et, tel Attila, d’agresser des marchés en se souciant bien peu des conséquences sociales et économiques que pareilles attitudes peuvent avoir. 
Et comment ne pas avoir un petit sourire en coin en lisant de telles nouvelles alors que tous les jours des milliers d’autoentrepreneurs triment sang et eau sous la houlette de ce fouet électronique tandis qu’on leur répète inlassablement façon Big Brother qu’ils sont l’avant-garde éclairée de la nouvelle économie, que leur « liberté » est leur bien le plus précieux, qu’un jour ils seront riches. 
Pas un jour ne passe sans que je ne voie dans les rues un gamin filant, sur son vélo délabré entre deux files de voitures, pour tenter de tenir des délais impossibles dans l’espoir d’empocher quelques dizaines d’euros à la fin de son « shift ». Sait-il qu’en une semaine Uber, son possible patron, a perdu 10% de sa valeur soit 655 millions de dollars ? Que cette perte, comme ses efforts, le touche autant que la poussière tombée sur sa manche et qu’il balaie négligemment d’un revers de main ?

J’ai de la peine pour ces milliers de travailleurs qui ont succombé aux chants des sirènes de l’ubérisation. Ils ne sont que le dernier échelon d’une cascade de la misère où chacun va chercher plus faible que lui pour effectuer à sa place cette tâche ingrate. Chômeurs en fin de droits, travailleurs précaires à la recherche d’un complément de revenu, migrants… elle bien loin l’image du «runner », centaure mi hipster mi cycliste, tout de lycra fluo vêtu travaillant sous le soleil en toute allégresse.   
Loin de ces images de propagandes, il y a une sourde réalité dans laquelle les levées de fonds à plusieurs millions de dollars se succèdent et où les travailleurs sont presque gênants de n’être que des humains. Et cette chanson qui résonne encore à mes oreilles, plus tristement cette fois. 

Hervé Street, Président du Sntl

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